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Alors que c'est déjà monnaie courante sur les abonnements Internet mobiles en 3G, les français bénéficiaient cependant pour l'instant d'un Internet fixe "illimité" qui s'était bien installé comme un standard. Ce temps est pourtant peut-être bientôt révolu : un document de la FFT parlant de la segmentation des offres et de limitation du débit en fonction du prix a été intercepté et ne présage riende bon pour les consommateurs.
C'est le site Owni qui a révélé l'information vendredi dernier en publiant un document provenant de la FFT et circulant dans une relative confidentialité. Pourquoi relative confidentialité ? Car ce document, même si la FFT et les opérateurs veulent faire croire le contraire, a été rédigé et imaginé en l'absence totale de communication avec l'ARCEP, autorité de régulation des communications sur le territoire français et avec les associations de consommateurs.
La Fédération Française des Télécoms (FFT), composée notamment de Orange, Bouygues Telecom et SFR (sans Free), a ainsi détourné et utilisé la demande de débat concernant la clarification de l'utilisation du terme "illimité" dans les forfaits Internet mobiles, qui ne sont pas du tout "illimités" mais plutôt très limités en fonction des usages qu'on souhaite en faire pour lancer une discussion entre les 3 opérateurs concernant une future segmentation des offres, envisagée pour augmenter artificiellement le prix l'Internet en France pour le consommateur.
Cette discussion autour du terme "illimité", demandée par l'ARCEP, se fait, elle, en présence de l'ARCEP et d'associations de consommateurs comme l'UTF Que-Choisir, mais pour la segmentation des offres, l'ARCEP et l'UFC-Que Choisir ont tous les deux précisé une fois le document publié par Owni qu'ils n'avaient jamais entendu parlé de ce sujet par la FFT en leur présence.
Qu'est-ce donc que la segmentation des offres et pourquoi donc la FFT a-t-elle pris soin d'éloigner l'ARCEP et les associations de consommateurs des discussions ? La segmentation des offres, c'est l'idée de proposer des abonnements Internet "à plusieurs vitesses". D'un côté, on trouverait des abonnements "moins chers" que les actuels 30€/mois habituels (30€ qui ne sont plus tellement à l'ordre du jour depuis l'augmentation de la TVA qui a donné aux FAI l'occasion d'exploser ce "plafond" symbolique) avec des services limités : bande passante (quantité de données téléchargées), limite de débit, limite d'accès à certains services (comme les services "lourds" : YouTube, Dailymotion, P2P...), etc. . De l'autre côté, on trouverait des abonnements bien plus chers que les actuels, dépassant certainement les 40€/mois, qui ne seraient pas limités (concrètement, qui seraient come nos abonnements actuels), qui auraient accès à tous les services... et qui seraient prioritaires (au niveau des échanges de données) sur les abonnements standards !
Cette segmentation des offres, c'est l'absolue opposée à la neutralité des réseaux telle que demandée par les acteurs majeurs du web, l'ARCEP et les associations de consommateurs, nous vous en parlions d'ailleurs récemment à l'occasion des 20 ans du web.
Cet Internet à deux vitesses n'a pourtant aucun fondement technique : les lignes fixes de l'Internet français, contrairement à la 3G, sont très nettement suffisantes pour l'instant et ne sont pas du tout saturée. Free a d'ailleurs réagit en ce sens en disant qu'il ne "pensait pas une segmentation des offres ne soit pertinente pour le moment", rappelons que Free a quitté la FFT en 2008 pour "divergence sur des sujets de fond". Numéricable, qui a de son côté quitté la FFT il y a quelques mois, a réagit au même titre en indiquant qu'il ne ferait pas non plus partie de cette fin de l'Internet illimité.
Les FAI travailleraient donc depuis plusieurs années à préparer cette réforme de l'offre Internet fixe en France dans le seul et unique but d'augmenter leurs revenus alors même que l'État subventionne déjà très largement le déploiement des infrastructures télécom comme notamment la fibre optique afin de respecter le cap des 57% de la population en fibre d'ici 5 ans. Un scénario qui rappelle donc un peu celui des banques pendant la crise économique, où l'État injectait des milliards d'euros pour sauver les banques et où les dirigeant des mêmes banques se mettaient des millions d'euros dans les poches.
C'est d'ailleurs le discours que soutient également Edouard Barreiro, porte-parole de l'UFC-Que Choisir : "les opérateurs ont manipulé beaucoup de gens, élus comme représentants de consommateurs. Mais cette décision reste inacceptable. Limiter Internet sur le fixe n'a aucune justification économique. Les coûts fixes ne varient pas selon la consommation des utilisateurs, ou très peu. Les opérateurs cherchent à rançonner des deux côtés : d'abord les fournisseurs de contenus comme Google, puis les consommateurs. Les opérateurs se croient tout puissants"
Cette nouvelle arrive à un moment où les français se sont définitivement habitués à leur connexion Internet illimité et la possibilité que les fournisseurs d'accès Internet travaillent sur une telle idée depuis au moins 2008 porterait à penser qu'il ait été fait exprès de proposer des accès Internet illimité pendant suffisament longtemps pour que lors d'une segmentation future des offres, les français, devenus en quelques-sortes "accros" à Internet, passent massivement à ces offres bien plus onéreuses, faisant ainsi exploser les bénéfices des FAI et les rentes des actionnaires.
Le seul espoir de ne pas voir une telle limitation de l'accès Internet fixe en France est que Free n'accepte pas ces nouvelles politiques et campe sur sa position tarifaire. Si une telle segmentation des offres était mise en place et que Free ne jouait pas le jeu, le gouffre tarifaire serait tellement important qu'on observerait un véritable exode des abonnés en direction de Free.
Cependant, Free a récemment passé un très important partenariat avec Orange afin d'utiliser le réseau GSM et 3G d'Orange pour ses futures offres Freemobile, en attendant de pouvoir déployer son propre réseau sur la totalité du territoire français, ainsi Orange aurait peut-être de quoi faire plier Free, sans parler du fait que lors de l'explosion du plafond symbolique des 30€, Free en a profité pour augmenter son offre de base et la passer à 36€... .
Free est pourtant le dernier espoir de résistance face à un tel changement, en effet, si Numéricable ne semblent pas vouloir suivre la tendance, l'infrastructure du cablo-opérateur, qui a déjà bien du mal à fournir un débit satisfaisant à tous ses abonnés si on en croit les nombreuses critiques des consommateurs à ce sujet, ne pourrait jamais tenir un arrivage aussi massif d'abonnés que celui que représenterait une fuite simultannée des offres d'Orange, Bouygues Telecom et SFR.
Une chose est sûre, nous avons encore un sacré bout de chemin à parcourir avant d'arriver à la cheville d'autres pays de l'UE en terme d'accès Internet, comme la Finlande où internet est un droit fondamental. Ce vaste complot contre l'internet en France arrive d'ailleurs deux mois après un message très clair de l'ONU à l'attention de la France et de l'Angleterre, les sommant d'abroger les lois de type "HADOPI", considérées comme liberticides de la part de l'ONU !
Mise à jour lundi 22 août : Les opérateurs Bouygues Telecom et SFR ont tous les deux communiqué aujourd'hui sur le fait qu'ils n'avaient pas pour projets de limiter leurs offres d'abonnements Internet résidentiels. Même Orange a finalement communiqué dans ce sens sur Twitter avec une courte déclaration : « La fin de l'Internet fixe illimité n'est pas à l'ordre du jour chez Orange France », déclaration d'ailleurs en contradiction avec la précédente d'Orange, qui disait il y a quelques jours à Owni « oui, il y a certains forfaits sur lesquels on risque de mettre des seuils, » sans préciser lesquels...
Les communiqués de ce jour semblent donc plus être de la démagogie afin d'arrêter la polémique qui prenait de l'ampleur qu'à de vraies déclarations de la part des opérateurs, qui ne s'y attendaient pas, d'ailleurs, à un rapide démenti de la part des opérateurs, pour continuer à comploter tranquillement contre l'Internet illimité en France ?